Mise en place d’un script :
l’humour réussi
Pour que l'humour puisse éclore, on doit être dans un contexte agréable, propice au ludique (cadre) avec des personnes capables de le recevoir et un historique d’interactions, une habituation aux formats ludiques.
La mise en place d'un script à faire défiler, pour un humour réussi en 6 étapes :
Situation ou événement propice au ludique (cadre),
- personnes ajustées,
- contexte favorable
Survient un événement déclencheur dans lequel l’enfant peut identifier de l’incongruité
Ensuite, cette incongruité doit être traitée et mise à distance par le sujet (recul, méta)
Cette mise à distance peut provoquer de l'amusement (potentiel d'amusement)
Le sujet doit avoir envie de partager cet amusement (intentionnalité)
Afin de partager cet amusement, le sujet va produire une forme verbale ou non verbale (extériorisation de l'amusement), qui va contenir le dépassement du cadre habituel qui permet d'incarner l'incongruité
Si l'interlocuteur a suffisamment de savoir partagé, de connivence, il va comprendre et marquer éventuellement son amusement par une marque d'amusement (rire, sourire, regard, mimique, posture, etc)
Script complet
0) Contexte agréable, propice au ludique (cadre) et personnes ajustées avec historique d’interaction
1) Déclencheur: une situation ou un événement dans lequel le sujet peut identifier de l'incongruité
2) Cette incongruité doit être traitée et mise à distance par le sujet (recul, méta)
3) Cette mise à distance peut provoquer de l'amusement (potentiel d'amusement)
4) Le sujet a envie de partager cet amusement (intentionnalité)
5) Afin de partager avec l’autre, le sujet va produire une forme verbale ou non verbale
(extériorisation de l'amusement), qui va contenir le dépassement du cadre habituel qui permet d'incarner l'incongruité et
6) Si l'interlocuteur a suffisamment de savoir partagé, de connivence il va comprendre
et marquer éventuellement son amusement par une marque d'amusement (rire, sourire, regard,
mimique, posture, etc)
Anaé, presque 3 ans, l'exemple du piment
Transcription
Anaé va avoir 3 ans dans quelques jours.
Aliyah: Alors dis-moi, tu vas aller manger où pour ton anniversaire?... Tu sais? … Tu vas aller au restaurant?
Anaé: Oui.
Aliyah: Qu’est-ce que tu aimes manger?
Anaé réfléchit, fait une petite mimique coquine.
Anaé: Du piment.
Aliyah: Du piment?
Anaé: Non!! Avec un grand sourire.
Aliyah: Oh! Ca pique!
Anaé: Oui.
Aliyah: Alors quoi, des frites?
Anaé: Oui.
Aliyah: Ouai…
Aliyah a introduit un cadre pour leur conversation: l’anniversaire d’Anaé qui
a lieu une semaine plus tard. La scène du piment s’ouvre sur une question d’
Aliyah : tu vas manger où pour ton anniversaire ? tu sais ? Tu vas aller
au restaurant ?
Anaé n’aime pas beaucoup répondre à des questions et il y a souvent une
certaine confusion dans son ajustement aux questions ouvertes (à laquelle elle doit
répondre en apportant une information que son interlocutrice n’a pas de manière
assez précise).
Aliyah l’aide en transformant la demande en question fermée (tu vas aller au
restaurant ?
). Anaé n’a qu’à répondre « oui »
ce qu’elle fait.
Anaé ne répond pas tout de suite, donc Aliyah, qui cherche à faire parler
Anaé, continue en lui demandant « qu’est-ce que tu aimes manger ? »
Il s’agit donc d’une question beaucoup plus générale, mais qu’Aliyah oriente
toujours à l’intérieur du cadre qu’elle a introduit car elle veut savoir ce
que Anaé voudra manger au restaurant pour son anniversaire.
A ce moment-là, Anaé réfléchit, ce qui se manifeste par un
regard vers le bas, posé sur ses mains. Anaé croise ses mains et fait de petits
mouvements itératifs avec les doigts.
Elle dit « du »
, regarde Aliyah et elle lance avec un belle plosive
« piment »
en regardant Aliyah en souriant.
La réponse d’Anaé est en rupture avec la question.
Il s’agit bien d’un aliment, ou du moins d’un condiment, qui fait partie
du domaine sémantique de la nourriture et pourrait être une réponse adéquate,
mais Aliyah s’attend à ce qu’Anaé réponde avec un type de nourriture qu’un
enfant aime d’habitude manger comme des crêpes ou des frites. Mais Anaé change
de cadre avec une réponse en décalage avec les attentes. Le petit sourire d’Anaé
indique qu’elle est parfaitement consciente du décalage qu’elle introduit.
Plutôt que de refuser de répondre, elle a préféré répondre de manière un peu inadéquate.
Anaé espiègle
On peut deviner que la réponse d’Anaé est calculée, que le décalage est
intentionnel. Elle sait qu’Aliyah sait que ce n’est pas un aliment qu’elle
aime ni un aliment d’anniversaire d’enfant.
Anaé attribue à Aliyah une représentation de la catégorie
« nourriture que j’aime » dont le piment ne fait pas partie.
La suite avec la question d’Aliyah, le rire d’Anaé et la négation montrent
bien qu’Aliyah a réagi exactement comme Anaé s’y attendait, elle est
dans la suite attendue par rapport à sa réponse.
Les deux interlocutrices rient ensemble et sont donc en parfait
alignement quant à la réaction à la réponse d’Anaé. Il y a donc de la connivence.
L’amusement partagé est marqué par des rires et sourires.
La réponse d’Anaé est en quelque sorte un défi puisqu’elle sort des attentes. Elle accepte de répondre malgré sa réticence habituelle mais fait un pas de côté. Cette forme d’humour est une stratégie pour exprimer une forme d’agressivité vis a vis de l’intrusion d’Aliyah.
Donner l’information demandée n’a pas une grande valeur pour Anaé, elle préfère transformer sa réponse en blague.